Auteur/autrice : Fondation abritée Après-Tout

Droits culturels et lieux d’enfermement, une utopie ?

Avec le soutien de la Fondation Après-Tout, Concertina organise les jeudi 26 juin et vendredi 27 juin 2025, à Dieulefit (Drôme), une journée interprofessionnelle « Art, culture, enfermements » à destination des artistes et des acteurs des institutions qui les sollicitent habituellement.

Les droits culturels, inscrits dans la loi depuis une dizaine d’années, bousculent une certaine appréhension de la culture. Et notamment les principes de démocratisation culturelle puis de démocratie culturelle jusque-là mis en œuvre.

Les porteurs de projets, tout en se saississant des droits culturels, ont tâtonné et tâtonnent encore. Construire des projets culturels, esthétiques, voire artistiques avec et pour des participant(e)s que lon découvre et rencontre seulement durant le temps du projet, place haut la barre.

Que dire, comment faire, quand les participant(e)s résident, de surcroît, dans des lieux d’enfermement : établissements pénitentiaires, institutions psychiatriques, établissements pour mineurs et centres éducatifs fermés ou encore EHPAD, hôpitaux… ?

Comment, au sein d’institutions ou d’établissements contraints, entend-on les droits culturels ? Comment les faire émerger ? À quelles conditions un projet peut-il faire valoir et faire vivre les droits culturels de la personne ?

Voilà toute une série de questions auxquelles cette journée interprofessionnelle va essayer d’apporter des éclairages.

Pour connaître le programme et s’inscrire, cliquez ici !

Découvrez le visuel des Rencontres 2025 de Concertina

Le visuel 2025 de Concertina a été dévoilé le jeudi 23 janvier 2025 à La Halle à Dieulefit (Drôme). Il est l’oeuvre du graphiste Alain Baraquie. Il fait écho au thème de l’édition 2025 : Appétits.

Dans Appétits, il y a désir. L’expérience de la privation de liberté est infiniment plus complexe que la représentation que nous en avons. Les lieux d’enfermement recèlent les frustrations les plus grandes et les appétits les plus fous. La captivité qui prive de tout les aiguise. L’altération des sens peut aussi conduire à la perte d’appétit. Ogre ou moineau, chacun le sien.

Ce beau thème d’Appétits se grave comme une médaille, avec son avers et son revers.

Au revers, les enfermements suscitent l’ambition carnassière de formations politiques qui donnent à penser que ce serait La solution. Une façon particulière et cruelle de résoudre le refus du partage des richesses, de trahir les valeurs d’accueil, de juguler les souffrances psychiques, de réprimer la mauvaise graine et d’abimer la justice des enfants.

Bref, de soustraire au monde. Ça commence toujours par forcer le trait sur les prisonniers de droits communs pour finir par réprimer les esprits libres.

Les appétits d’enfermement sont favorables au manche qui cogne, au contrôle des individus, de la mainmise sur leur corps à celle sur leur esprit. Voilà revenu le temps de l’affrontement des appétits.

A l’avers, Concertina donne à rencontrer des personnes au long parcours carcéral ou psychiatrique. Ces personnes témoignent d’un appétit de résilience, de philosophie, de fraternité, d’apprentissage, de bons mets, de partage toujours. Et bien sûr aident à notre compréhension de leur parcours. Après le trébuchement, le désir. Notre différence se situe à cet exact endroit que définit si bien Stig Dagerman :

« Et mon pouvoir est redoutable tant que je puis opposer la force de mes mots à celle du monde, car celui qui construit des prisons s’exprime moins bien que celui qui bâtit la liberté ».

La Fondation Après-Tout est heureuse de soutenir cette édition 2025, reconnaissant ainsi tout le travail accompli tout au long de l’année par l’équipe de Concertina :

Le site de Concertina Rencontres 2025 – Rencontres estivales autour des enfermements

Avec 81.599 détenus, la France n’a jamais connu un nombre aussi élevé de personnes incarcérées

Au 1ᵉʳ février 2025, la densité carcérale globale était de 130,8 %. Elle dépassait 200 % dans une quinzaine d’établissements et contraignait 4.490 détenus à dormir sur des matelas posés au sol.

Les prisons françaises comptaient 81.599 détenus pour seulement 62.363 places opérationnelles. 98.870 personnes sont sous écrou dont 17.181 non détenues. La surpopulation carcérale est un mal endémique français.

Parmi les personnes incarcérées, 21.631 sont des prévenus, en détention, dans l’attente de leur jugement définitif.

Parmi les 17.181 personnes non détenues, 16.305 font l’objet d’un placement sous bracelet électronique et 876 bénéficient d’un placement extérieur.

Il y a en France 2.789 femmes détenues et 746 mineurs détenus (pour 1.115 places opérationnelles pour mineurs) au 1er février 2025.

La Direction interrégionale des services pénitentiaires de Lyon a 8.001 détenus pour 6.039 places opérationnelles et présente une densité carcérale de 132,5 % .

Statistique des établissements et des personnes écrouées au 1er février 2025 (cliquez)

Tableau des indicateurs-clés au 1er février 2025 (cliquez)

Quand la Fondation se retrouve à la Préfecture de la région Auvergne-Rhône-Alpes…

Le jeudi 19 décembre 2024, s’est déroulée dans le salon Bonnefoy de la Préfecture la cérémonie de remise des diplômes d’université « Religion, liberté religieuse et laïcité » et des certificats « Connaissance de la laïcité ».

Certificats et diplômes sont préparés depuis une dizaine d’année au sein de la Faculté de droit de l’Université Lyon 3 et de la Faculté de Théologie de l’Université catholique de Lyon, en partenariat avec l’Institut français de civilisation musulmane de Lyon. Y participent non seulement des agents des collectivités locales ou de l’administration, mais encore des responsables associatifs, des imams, des prêtres, des aumôniers de prison et d’hôpitaux…

En présence de Mme Emmanuelle Darmon, directrice de cabinet représentant Mme Fabienne Buccio, préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, préfète du Rhône, étaient rassemblés tous les lauréats de la promotion 2024, accompagnés de leurs familles et de leurs formateurs et enseignants.

Au cours de la cérémonie, Mr Vincent Feroldi, président du Comité exécutif de la Fondation, et Mme Marie-Antoinette Piens, fondatrice, ont remis à Mme Blandine Vrel, aumônier catholique au Centre Hospitalier Lyon-Sud depuis 2021, le prix de mémoire 2024 pour son travail qui portait sur « Soigner et cultiver le partenariat aumôniers-soignants au service de l’accompagnement spirituel de la personne hospitalisée » et qui a déjà été présenté sur le site de la Fondation :

Avec l’association Possible, la Communauté nationale des acteurs Justice/Prison se retrouve à Lyon

Soutenues par la Fondation de France et la Fondation Après-Tout, quatre-vingt personnes venues de toute la France se sont retrouvées à Lyon le mercredi 27 novembre à l’invitation de l’association Possible pour participer à « Coop’Ins », journée de rencontre et d’échange au service de l’inclusion des personnes placées sous main de justice.

Après le mot d’ouverture de Sophie Muracciole, première vice-présidente chargée de l’application des peines au tribunal judiciaire de Lyon, diverses tables-rondes et témoignages ont rythmé la journée sur les thèmes suivants :

  • La coopération entre l’Administration pénitentiaire et les associations dans la préparation à la sortie
  • La politique partenariale entre l’Administration pénitentiaire et les structures de l’économie sociale et solidaire
  • La coopération entre l’institution judiciaire et les associations dans la prévention de la délinquance et de la récidive
  • Le monde de la recherche au service de l’inclusion professionnelle des personnes détenues.

La Communauté nationale des acteurs Justice/Prison compte aujourd’hui trente-quatre membres. Elle est un lieu dynamique favorisant les échanges d’expériences. Cela est d’autant plus important qu’il y a aujourd’hui une obligation de travailler ensemble au service d’un bien commun. Associations et acteurs de terrain sont au plus près de la réalité du quotidien et font preuve d’un vrai savoir-faire, d’une compétence de plus en plus fine et d’une confiance partagée. 

Un exemple parmi d’autres : LES BEAUX METS à Marseille qui témoigne du partenariat entre une petite association dynamique et une grosse institution régalienne. En effet, au sein de la prison des Baumettes, à deux pas de la Calanque de Morgiou, l’ancien quartier des femmes a été transformé pour accueillir un restaurant. La cuisine, ouverte sur une salle de 42 couverts, est un véritable outil de travail pour les personnes détenues, ayant encore moins de deux ans de peine à accomplir, et symbolise cette transition vers l’extérieur. Aux manettes, la Cheffe de cuisine Sandrine Sollier et sa brigade concoctent tous les midis, du lundi au vendredi, des plats de choix préparés avec des produits frais, de saison et locaux.

Un autre exemple est celui d’ART-EXPRIM en milieu carcéral et qui veut favoriser l’expression des personnes détenues pour s’intégrer dans un processus global de réinsertion. Menés par des artistes professionnel.le.s désireux.ses de développer un travail en milieu carcéral, les projets d’art-exprim visent à la fois à répondre au besoin identifié par les services de probations et à nourrir l’échange et la transmission de savoirs entre artistes et personnes placées sous-main de justice. Depuis 2021, l’association a pu proposer aux personnes placées sous-main de justice des ateliers de pratiques artistiques autour de la peinture, du dessin, de la maquette, du modelage. Art-Exprim a également réalisé plusieurs fresques.

Au service de l’accompagnement spirituel de la personne hospitalisée 

Le 18 novembre 2024, le Comité exécutif de la Fondation a décerné ses prix de mémoire 2024. Parmi eux, le travail de Madame Blandine Vrel, aumônier catholique au Centre Hospitalier Lyon-Sud depuis 2021, présenté dans le cadre du DU « Religion, liberté religieuse et laïcité » 2022-2023. Il portait sur : « Soigner et cultiver le partenariat aumôniers-soignants au service de l’accompagnement spirituel de la personne hospitalisée ». Elle nous le présente en quelques lignes.

La finitude, la souffrance, la maladie et la mort s’expriment profondément à l’hôpital. La médecine veille sur l’homme là où son humanité est la plus exposée dans la fragilité et c’est pourquoi une place singulière de veille lui est assignée. La place de l’accompagnement spirituel en milieu de santé se pense dans un contexte de sécularisation des institutions de soins et de la société, mais aussi de prise en compte de la personne dans toutes ses dimensions par les soins. À l’heure où les prises en charge se veulent globales, il est donc nécessaire pour l’entourage de la personne hospitalisée, médical ou non, d’intégrer cette dimension spirituelle. J’ai choisi de m’interroger sur cette mission de l’aumônier : collaborer avec les soignants pour apporter plus d’humanité au sein des hôpitaux et incorporer une certaine éthique dans la prise en charge globale des personnes hospitalisées en prenant en compte les particularités cultuelles et culturelles des personnes. Plusieurs enjeux éthiques ont guidé et éclairé ma recherche.

Le patient comme personne 

La maladie demeure une expérience, un ébranlement, un événement destructeur et/ou fondateur. Sous-jacente à la question de l’identité se joue la question de la permanence de soi. « Je suis un fardeau », « Pourquoi vous perdez votre temps avec moi », « Je sers plus à rien », « Je ne me reconnais même plus ». Comment percevoir la dignité des personnes malgré toutes les défigurations de la maladie, du vieillissement, du handicap… ? Comment répondre de manière ajustée à la vulnérabilité de l’autre en prenant en compte sa subjectivité (soigner mais pas malgré l’autre) ?

La spiritualité

L’OMS inclut la spiritualité dans sa définition de la santé, en caractérisant l’humain par quatre dimensions : biologique, psychologique, sociale et spirituelle. Qu’est-ce qui me fonde en tant qu’être humain ? Qu’est-ce qui donne sens à ce que je vis ? Au cœur de ces interrogations, les personnes accueillies à l’hôpital doivent pouvoir faire entendre leur questionnement spirituel ou religieux. C’est une nouvelle perspective de l’accompagnement aux soins qui s’ouvre en permettant aux aumôniers et aux soignants d’offrir leurs compétences respectives. De quoi faut-il prendre soin en tout être humain : cohérence, transcendance, unité…?  Comment soutenir la personne hospitalisée mais vivante jusqu’au bout, jusque dans la dépendance, la souffrance ?

L’alliance thérapeutique 

La maladie altère la relation. C’est une sorte de mort sociale, relationnelle. Cependant, la personne hospitalisée est de plus en plus sujet, acteur de ses soins et non plus passif, ce qui peut complexifier la tâche des soignants mais aussi l’humaniser voire la faciliter en acceptant la personne hospitalisée dans sa globalité. Il s’agit de « créer une alliance ». La religion est une pierre participant à la construction de cette alliance thérapeutique dans le quotidien des soins. Sa prise en compte est le meilleur garant du respect de ce qu’est chacun. Ce travail en alliance peut viser la réunification de la personne, dans toutes ses dimensions, et lui permettre d’être « sujet de sa propre histoire. Comment développer une attention au vécu de l’autre pour le soigner le mieux possible ?

A chacun à sa place 

Comment évaluer les besoins spirituels, détecter les demandes ? Comment les soignants, tout en respectant les exigences de la laïcité (ils sont tenus au principe de neutralité), peuvent-ils être attentifs à ces « besoins spirituels » et aux « besoins religieux », notamment cultuels, pour accompagner au mieux les personnes accueillies ? Quelle coordination mettre en place avec les équipes pour répondre au désir d’accompagnement de la personne ?

Quid de la place des autres religions ?

Les soignants ne souffrent pas seulement de la mort qui demeure la limite de toutes leurs pratiques et réussites mais de la déshumanisation de la mort lorsqu’elle est privée d’accompagnement et de ritualisation (Cf. la pandémie du COVID). A l’hôpital, la religion peut être une ressource face à la maladie, un lieu de soin : elle participe à l’équilibre fondamental de celui qui croit. Une question peut être soulevée, celle de la présence majoritaire des aumôniers de religion catholique. Un des enjeux est de respecter un pluralisme, essentiel à la laïcité,  et une équité dans la place des différentes religions. Nos manières de pratiquer et vivre notre foi sont différentes. Comment prendre en compte les aumôneries protestantes, juives, musulmanes ? Pourrait-on imaginer que la visite de présentation se fasse au nom de toutes les aumôneries ? Cette présence dominante peut-elle être perçue comme une forme de prosélytisme ?

Y a-t-il un risque d’appropriation médicale de la spiritualité ?

L’expérience spirituelle risque d’être médicalisée, réduite à des fins thérapeutiques. Si le seul but du spiritual care est la diminution et même l’élimination de toutes les souffrances, l’organisme devrait être sans faille, harmonieux, parfait. Guy Jobin évoque « l’esthétisation biomédicale de la spiritualité ». Cependant, nous le constatons, l’expérience de la maladie reste un combat, une lutte. Comment le spirituel peut-il rester ce qui échappe à toute récupération parce qu’il concerne la gratuité, l’identité profonde, le mystère et la liberté de la personne ? Comment préserver la spiritualité de l’utilitaire, du mesurable et du consommable ?

Un autre défi est de préserver la confidentialité et la liberté des personnes hospitalisées. Qu’en est-il du secret médical si le professionnel du spiritual care doit faire un compte-rendu systématique de ses visites à l’équipe soignante ? La confusion entre soignants médicaux et accompagnateurs spirituels pourrait être néfaste à la confiance établie. Pour préserver la gratuité du spirituel hors de toute récupération, nous devons veiller à ne pas être utilisés et à sortir d’une logique de l’efficacité et de l’utilité. De fait, il semble essentiel de considérer la personne comme un mystère et d’accepter que le « soin spirituel » demeure invisible et pas réduit à un modèle ou à une recette.  Un des défis de l’aumônerie est donc de promouvoir l’intégration des ressources spirituelles et religieuses dans le soin mais sans laisser la médecine réduire et instrumentaliser ces ressources ou quantifier le soin spirituel.

Il nous faut également être vigilants quant au prosélytisme vis-à-vis des personnes vulnérables. Dieu n’entre jamais dans la vie de quelqu’un par effraction. S’interroger ensemble sur « ce que dit la loi » permet d’apaiser les débats et de créer un espace de parole. Il devient possible de parler de religion sans laisser planer la crainte d’une emprise religieuse menaçant les libertés en contexte de vulnérabilité. La laïcité permet de rappeler les droits en fixant des limites.

Prendre soin : une vocation pour tous

La pandémie a pu être une révélation de la place du soin dans notre vie et dans la société. Cette nouvelle conscience du soin ravive la pertinence des éthiques du care et des politiques du care.

Les actes spirituels soutiennent nos manières de “vivre bien” et, inspirés par les héritages des traditions spirituelles et religieuses, permettent de prendre soin de soi, des autres et du monde : cultiver l’intériorité, stimuler la quête de sens et la formulation des valeurs personnelles, examiner et choisir ce qui convient davantage, attester de la dignité de tout être humain en écoutant la convocation à prendre soin d’autrui, élaborer inlassablement, dans l’entretien mutuel et collectif, le monde commun.

Selon cette philosophie, le care n’est plus une aptitude censée caractériser une prétendue nature féminine plus attentive à la vie et aux personnes mais une exigence démocratique et universaliste. Prendre soin n’est plus une vocation pour quelques-uns, il est une convocation adressée à tous. C’est la société plus largement qui bénéficie de cette restauration, si on donne une définition large du soin dont la finalité est de vivre bien. Prendre soin de l’autre, c’est participer à « maintenir, perpétuer et réparer notre monde ». Comment la promotion de la santé spirituelle doit s’inscrire dans l’action publique avec un souci éthique et une visée morale, à l’endroit de l’ensemble de la communauté humaine ?

L’aumônerie en milieu hospitalier public est une illustration de la laïcité au service de l’intégrité et l’autonomie de la personne. L’assistance spirituelle est donc un service public. La dimension religieuse ou spirituelle étant une composante de l’Homme, notre mission d’aumônier participe ainsi au soin de la personne hospitalisée. C’est pourquoi il nous semble nécessaire d’encourager les soignants à être nos partenaires pour une prise en charge de la personne dans sa globalité et son intégrité : comment bénéficier de la façon la plus juste de leur investissement ?

Le jugement d’utilité dans les décisions d’arrêt ou de limitation de soins en réanimation

Le 18 novembre 2024, le Comité exécutif de la Fondation a décerné ses prix de mémoire 2024. Parmi eux, le travail du docteur Maxime Lugosi, officiant à Grenoble (Isère), dans le cadre d’un diplôme universitaire « Philosophie et santé » co-accrédité par les Universités Jean Moulin Lyon 3 et Claude Bernard Lyon 1. Celui-ci nous présente en quelques lignes sa recherche intitulée : « Le jugement d’utilité dans les décisions d’arrêt ou de limitation de soins en réanimation. Etude de philosophie expérimentale ».

Depuis la seconde moitié du XXe siècle, la discipline de réanimation s’est développée en parallèle de techniques d’assistance d’organe, telle l’assistance ventilatoire ou l’assistance circulatoire, afin de prendre en charge des patients souffrant de défaillances d’organe pouvant entrainer leur décès. Le soin dans ces structures est principalement basé sur un modèle biomédical technicisé qui a permis une amélioration du pronostic des patients en termes de survie.
Suite à l’amélioration de ces techniques sont apparues des situations paradoxales où les personnes vivent au sens physiologique du terme mais dépendent pour cela de techniques lourdes qui ne leur permettent pas de vivre une vie « pleine » au sens de capacité à réaliser les possibilités que portent intrinsèquement une vie humaine. La réanimation n’a pas comme seul objectif de permettre une vie biologique en stabilisant des paramètres physiologiques, mais bien de permettre une vie au-delà de la réanimation. Les réanimateurs se retrouvent régulièrement devant ce dilemme : faut il poursuivre un traitement au prix de séquelles potentiellement lourdes ou d’être dépendant de techniques d’assistance ?
Les décès survenant en réanimation sont souvent le fait de limitation ou d’arrêt de soins, entendu comme la suspension ou la non mise en place d’un traitement, souvent à risque d’effet secondaire, qui ne permet pas d’obtenir les résultats escomptés.
Se pose alors la question de quels déterminants permettent une réflexion aboutissant à la décision de limitation ou d’arrêt des traitements. Les données scientifiques, issues des études et utilisées dans le cadre de la médecine fondée sur les preuves, ne permettent pas d’apporter une réponse individualisée avec suffisamment de certitude. Par ailleurs, les choix qui peuvent être faits concernant ce qui est tolérable ou non, voulu ou non, sont dépendants de valeurs et préférences individuelles. En réanimation, l’état de santé du patient ne permet souvent pas d’avoir son avis sur ces décisions. La recherche des directives anticipées, d’une personne de confiance ou des proches sont des éléments à prendre en compte permettant de faire entendre la voix de la personne. Elles sont souvent insuffisantes ou inexistantes pour permettre de décider.
La loi prévoit que, dans les situations où la personne ne peut donner son avis alors qu’elle est atteinte d’une affection grave et incurable, le médecin peut décider de limiter ou d’arrêter un traitement jugé inutile, disproportionné ou n’ayant d’autre objet que de prolonger artificiellement la vie (Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie).
L’utilité d’un traitement serait jugée à l’aune des bénéfices qu’il procure au patient en évaluant la différence entre les effets positifs et négatifs qu’il entraine. Mais comment évaluer ces effets compte tenu de la double incertitude épistémique qui entoure ces situations ?
Il semble que l’intuition morale qui préside au jugement d’utilité et donc d’inutilité d’un traitement est en partie évaluée à la faveur de la qualité de vie attendue au décours de ce traitement. La qualité de vie serait une manière de représenter la différence des effets positifs et négatifs d’un traitement à la lumière des préférences, choix et valeurs d’une personne.

Nous avons mené une étude de philosophie expérimentale afin d’interroger cette intuition. Nous avons invité des médecins réanimateurs et non réanimateurs, en Isère, Savoie et Haute-Savoie, à juger de l’utilité d’un traitement, à partir de vignettes cliniques correspondant à des situations de dilemmes quant à la poursuite ou non d’un traitement.
Au total, 64 médecins ont participé dont 49 réanimateurs. Le jugement d’utilité apparait corrélé avec la notion de poursuivre ou non le traitement. Le jugement d’utilité n’était pour autant pas corrélé à la survie estimée du patient. La survie dans ces situations n’apparaissait donc pas comme une justification suffisante à la poursuite ou non d’un traitement. Des différences ont été notées entre les réanimateurs et les non réanimateurs concernant les corrélations entre le jugement d’utilité et l’estimation de la qualité de vie après la réanimation : le jugement d’utilité est plus fortement corrélé à l’estimation de la qualité de vie après la réanimation chez les réanimateurs que chez les non réanimateurs. Ainsi, la qualité de vie, bien qu’associée à la notion d’utilité d’un traitement, ne permet pas d’englober totalement cette notion et prend une place différente selon les spécialités.
Cette étude ne permet pas d’explorer d’autres éléments qui permettraient de juger de l’utilité d’un traitement, ni de comprendre la différence entre les différents groupes de médecins.
Ainsi, la notion d’utilité d’un traitement semble avoir un caractère opérationnel dans le fait de décider d’arrêter ou de poursuivre un traitement. Ce jugement ne semble pas reposer uniquement sur l’objectif de la survie du patient : il semble prendre en compte une vie au-delà d’une simple vie biologique, une vie permettant de déployer des possibles. Il semblerait que le corps médical n’ait pas une vision homogène de la manière d’évaluer l’utilité individuelle notamment dans les situations où la voix de la personne est inaudible. L’estimation de la qualité de vie ne rend compte que partiellement de la notion d’utilité que l’on attribue à un traitement.
Cela pose la question de la possibilité de juger, par qui et à partir de quoi de l’intérêt d’une vie même si celle-ci est diminuée à son extrême. Comment le principe d’autonomie, valorisé par les dernières lois sur la fin de vie, pourrait aider les médecins à apporter une décision la plus proche d’une volonté singulière compte tenu des contraintes des situations en réanimation ?

Christian Montfalcon (1928-2023)

Le vendredi 8 décembre 2023 après-midi, notre ami Christian Montfalcon est décédé. Coïncidence heureuse, il est parti le jour de la Fête des lumières, une date chère à tous les Lyonnais, mais qui faisait aussi intimement sens pour lui.

Né à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (Rhône) en 1928, Christian Montfalcon était prêtre et fut à ce titre l’un des initiateurs d’une présence active des chrétiens dans le monde de la santé.

C’est à son initiative que fut créée, en 2008, avec quatre femmes et hommes de la région lyonnaise, la Fondation Après-Tout, qu’il voulut dès l’origine exclusivement laïque et constituée autour de femmes et de hommes de toutes convictions. Tous les membres fondateurs d’Après-Tout exerçaient leurs activités dans les milieux de la santé ou du pénitentiaire et ils avaient unanimement conscience du nécessaire accompagnement des professionnels au service de l’humain, ceux à qui la Nation a délégué le soin de prendre en charge les plus vulnérables d’entre nous.

Homme de grande culture, écrivain spirituel hors pair, chantre de la laïcité et d’une foi incarnée, Christian Montfalcon était aussi un homme du terroir, heureux d’aller chasser en Dombes avec ses amis. Jusqu’aux derniers jours, il se préoccupa de la vie et de l’avenir de la Fondation Après-Tout.

Ses funérailles ont eu lieu le samedi 16 décembre 2023 à 10h en l’église de son baptême, à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (Rhône).

Christian Montfalcon avait été promu au grade de chevalier de l’Ordre national du Mérite le 10 novembre 1998.

A l’automne 2024, selon ses dernières volontés, un site web sera mis en ligne et dédié à ses nombreux écrits.

La Fondation Après-Tout réfléchit à l’hommage prochain qu’elle rendra à Christian Montfalcon à qui elle doit tant.

De nouveaux outils de communication

En ce printemps 2024, la Fondation Après-Tout est heureuse de mettre à la disposition de toutes et tous de nouvelles plaquettes d’information que vous pouvez télécharger :

+ Une plaquette d’information sur la Fondation [pour télécharger, je clique sur ce bloc]

Une plaquette destinée aux professionnels travaillant dans le sanitaire ou le social et désireux d’être soutenu sur un projet [pour télécharger, je clique sur ce bloc]

Une plaquette destinée aux professionnels travaillant dans le judiciaire ou le pénitentiaire et désireux d’être soutenu sur un projet [pour télécharger, je clique sur ce bloc]

Une plaquette sur le mécénat [pour télécharger, je clique sur ce bloc]

Une plaquette sur les legs, donation et assurance-vie [pour télécharger, je clique sur ce bloc]

Bonne découverte !

Si vous désirez en recevoir un exemplaire imprimé, envoyez-nous un mail à contact-fondation@apres-tout.fr en précisant le titre du document souhaité !

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