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Pour en savoir plus sur la justice restaurative

Pour en savoir plus sur la justice restaurative

Note de synthèse rédigée par Alain Chalochet

Le pionnier du concept moderne de justice réparatrice est un criminologue américain, Howard Zehr, né en 1944. Il a effectué des études d’histoire d’abord, puis de sociologie close par un doctorat. Professeur de justice restaurative à l’Eastern Mennonite University, il y codirige le programme de transformation des conflits. Il a été directeur du Bureau du Crime et de le Justice au sein d’un organisme humanitaire, le Comité central mennonite américain, ceci de 1977 à 1996. Il a par ailleurs été photographe et reporter en Amérique du Nord et dans différentes régions du monde et a publié à ce titre des ouvrages qui témoignent de son intérêt pour les populations déshéritées et pour les victimes parfois « sans voix et cachées » que sont les enfants et les familles des personnes emprisonnées. Il est aujourd’hui conférencier et a fait connaitre sa doctrine à travers le monde, contribuant largement à la diffuser aux États-Unis d’abord où elle est mise en œuvre dans certains états, au Brésil, au Japon, en Jamaïque, en Irlande du Nord, en Grande-Bretagne, en Ukraine et en Nouvelle-Zélande où elle constitue la base de la justice pour mineurs actuellement. Il a publié de nombreux ouvrages dont l’un en 2002 « The little book of restaurative justice » a été traduit en français et fera l’objet de la présente présentation. Son titre : « La justice restaurative, Pour sortir des impasses de la logique punitive », éditions Labor et Fides, 2012. Ce livre est préfacé par Robert Cario, professeur de criminologie et promoteur de la justice restaurative en France.

Dans ce petit livre d’une centaine de pages, H. Zehr présente les principes de la justice restaurative (terme choisi en France, alors que dans d’autres pays on parle parfois de justice réparatrice) qui, pour lui, permettrait de pallier certaines insuffisances ou imperfections du système pénal en place dans la plupart des pays occidentaux.

Quelles sont ces insuffisances ?

Des critiques sont souvent formulés par des victimes d’actes criminels ou délictueux, des infracteurs également (terme choisi de préférence à délinquants ou auteurs qui ont leurs connotations propres), mais aussi par certains professionnels de la justice, tous estimant que le système en usage aboutit parfois plus à aggraver les blessures ressenties qu’à restaurer la paix dans la société.

+­ Les victimes se sentent souvent ignorées ou peu entendues, voire malmenées par un système qui s’intéresse peu à la personne de celui qui a subi l’acte commis ; l’intérêt étant avant tout porté sur l‘acte lui-même, considéré comme une atteinte à l’ordre public et à l’Etat qui en arrive en final à se substituer en quelque sorte à la victime.

+­ Les infracteurs sont plus préoccupés de leur défense que de leur responsabilité et de ce qu’elle pourrait justifier en terme de réparation à l‘égard de la victime.

+­ H. Zehr introduit un acteur souvent ignoré dans nos sociétés : la communauté et ses membres dont il considère qu’ils sont parties prenantes à la situation puisque membres du corps social de proximité qui a lui aussi été impacté de manière péjorative par l’acte commis.

En conséquence, si le terme de justice restaurative est un terme générique qui recouvre diverses pratiques, celles-ci répondent toutes aux mêmes principes, au premier rang desquels la prise en compte des besoins des personnes, besoins mal satisfaits dans le cadre du système judiciaire en place.

Pour lutter contre les idées fausses qui peuvent circuler, H.Zehr tient à préciser aussi ce que la Justice restaurative n’est pas :

+­ La Justice restaurative n’est pas une création nord-américaine récente. On en trouve la trace dans des communautés mennonites notamment, au Canada ou aux Etats-Unis, mais aussi dans des cultures autochtones d’Amérique du Nord et de Nouvelle-Zélande. Ses racines sont pour H. Zehr « aussi vieilles que l’humanité » (p. 34) ;

+ Elle ne vise pas en priorité à obtenir le pardon, même si elle peut conduire à le faire advenir ;

+ Ça n’est pas une médiation : elle est le plus souvent fondée sur une rencontre, mais pas toujours et en tout état de cause cela ne saurait être une rencontre de deux parties en position d’égalité et de négociation ;

+ ­ Son objectif premier n’est pas non plus d’éviter la récidive, qui si elle advient en est une conséquence bien sûr bénéfique, mais indirecte ;

+ Les modalités de la justice restaurative sont très diverses, pour être adaptées à un contexte et il doit en être ainsi durablement ;

+ ­ Elle n’est pas réservée aux cas d’infractions mineures ;

+ La Justice restaurative n’est pas forcément destinée à remplacer la justice pénale, et elle « n’est pas la réponse ultime à toutes les situations » (p. 34) ;

+ ­ Elle n’est pas forcément une alternative à la prison, et elle n’est d’ailleurs pas incompatible avec une peine de prison.

Quelques grands principes

Pour Howard Zehr, un acte criminel, et ceci quelle que soit la société concernée, c’est une violation de personnes et de liens interpersonnels, qui engendre des obligations consécutives, dont la première devrait être une forme de réparation des torts subis. Là encore, est très présente l’idée que nous sommes en société, en relations tous les uns avec les autres et que le tissu social a été détérioré par l’acte commis, au-delà de ses premières, mais pas seules conséquences sur une victime directe. D’où certaines différences entre la justice pénale et la justice restaurative :

+ Pour la justice pénale, le crime est une violation de la loi et de l’Etat, qui engendre une culpabilité, que celui-ci va rechercher et établir, pour imposer une rétribution en punissant. 

+ Pour la justice restaurative, le crime est une violation de personnes et de liens interpersonnels, qui crée des obligations, qui devront être réparées dans le cadre d’une réflexion avec la victime, l’infracteur, et les membres de la communauté.

Les questions que l’on va se poser dans un cadre ou dans l’autre :

+ Pour la justice pénale : quelle loi a été transgressée ? Par qui ? Quelle est la sanction adaptée ?

+ Pour la justice restaurative : qui a subi un tort ? Quel est leur besoin qui en résulte ? Qui est en mesure d’y apporter la réponse adaptée ? « Les besoins, plutôt que les punitions, sont au cœur de la justice restaurative » (p. 41) .

Clairement, alors que la justice pénale s’intéresse à l‘acte, la justice restaurative elle, se préoccupe des personnes de la victime, de l’infracteur, et de la communauté.

Une définition de la justice restaurative est proposée par l’auteur : « un processus destiné à impliquer, autant qu’il est possible, ceux qui sont touchés par une infraction donnée et à identifier collectivement les torts ou dommages subis, les besoins et les obligations, afin de parvenir à une guérison et de redresser la situation autant qu’il est possible de le faire » (p. 62).

 « Les 10 principes de la Justice restaurative »

1. S’intéresser en priorité aux dommages subis plutôt qu’aux lois enfreintes

2. Porter un même intérêt aux victimes et aux infracteurs et intégrer les uns et les autres dans le processus

3. Travailler à la restauration en faveur des victimes, en leur permettant de prendre un rôle actif et en répondant à leurs besoins tels qu’elles-mêmes les voient

4. Soutenir les infracteurs tout en les encourageant à comprendre, accepter et tenir leurs obligations

5. Reconnaitre que les obligations des infracteurs, même si elles sont difficiles à tenir, ne doivent pas être considérées comme une punition et qu’il doit rester possible d’y obéir.

6. Créer les conditions nécessaires à un dialogue, direct ou indirect, entre les victimes et les infracteurs, si cela est opportun.

7. Trouver des façons constructives d’impliquer la communauté et de répondre aux conditions criminogènes propres à la communauté

8. Encourager la collaboration des victimes et des infracteurs et leur réintégration dans la communauté, plutôt que la coercition et l’isolement

9. Ne pas négliger les conséquences inattendues d’un processus de justice restaurative et chercher à les résoudre

10. Montrer du respect envers toutes les parties : victimes, infracteurs, collègues du système judiciaire » (p. 65).

La mise en pratique

Elle va prendre une forme choisie selon les caractéristiques de la situation examinée ; rencontre entre victime et infracteur, réunion entre des victimes du même type d’acte et des infracteurs sans qu’ils soient concernés par la même affaire, avec ou non, participation de tiers représentants la communauté.

Elle ne pourra intervenir que si les partenaires l’ont demandée ou s’ils l’ont formellement acceptée. Leur accord est strictement indispensable, de même que la reconnaissance préalable par l’infracteur de sa responsabilité dans l’acte commis.

La phase ultime sera constituée d’une ou des rencontres entre les personnes, permettant aux victimes d’exprimer ce que l’acte a représenté pour elles, leur ressenti et leur trouble, et aux victimes d’admettre leur culpabilité et leur ressenti actuel, et enfin leurs perspectives à chacune.

La condition de réussite de ce type de démarche – particulièrement celle qui va mettre face à face la victime et son infracteur – est la préparation de chacun des deux par des échanges avec un facilitateur formé à cette démarche ; l‘objectif final est bien de rechercher avant tout la satisfaction du besoin pour chacun de comprendre ce qu’il s’est passé, pourquoi et quel est le vécu des interlocuteurs. Il est capital que la démarche ne conduise en aucun cas à aggraver les troubles ressentis et il est toujours possible que le processus soit interrompu avant le terme du fait de la volonté d’un interlocuteur ou de l’inutilité probable de la rencontre.

Il s’agit donc d’une démarche qui peut s’avérer très utile, nécessaire pour un partenaire, mais qui ne pourra être mise en œuvre systématiquement et dans tous les cas compte tenu de l’importance et la difficulté qui la caractérisent. Il serait en revanche impératif d’être en capacité de la réaliser quand les interlocuteurs concernés l’acceptent et parfois même la sollicitent.

Une question reste en suspens au terme de la lecture de ce livre, et c’est volontairement de la part de l’auteur : celle de savoir quelle place précise doit prendre la justice restaurative par rapport à la justice pénale que nous pratiquons dans nos sociétés. C’est plutôt dans une visée dynamique que Zehr envisage la question. Aujourd’hui, il préconise une place à côté et non concurrente, déjà capitale à faire admettre et réaliser pour répondre à des besoins négligés actuellement, ce qui suppose que le débat et la réflexion soient ouverts.

Admettons qu’il y a là matière à un gros travail à mener dans le contexte de notre culture pénale telle qu’elle est partagée dans un pays comme le nôtre.

Plus tard, et quand la justice restaurative aura trouvé sa place, pourquoi pas autre chose et comme le dit H. Zehr dans sa conclusion : « La justice restaurative exige de nous que nous changions non seulement notre manière de voir, mais aussi les questions que nous avons coutume de nous poser en matière de justice » (p. 90).

On serait tenté de préciser qu’il y aurait là en bonne place pour nous, la question à notre avis cruciale de ce que nous cherchons à faire quand nous voulons punir des actes que la société réprouve.

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Le pionnier du concept moderne de justice réparatrice est un criminologue américain, Howard Zehr, né en 1944. Il a effectué des études d’histoire d’abord, puis de sociologie close par un doctorat. Professeur de justice restaurative à l’Eastern Mennonite University, il y codirige le programme de transformation des conflits. Il a été directeur du Bureau du Crime et de le Justice au sein d’un organisme humanitaire, le Comité central mennonite américain, ceci de 1977 à 1996. Il a par ailleurs été photographe et reporter en Amérique du Nord et dans différentes régions du monde et a publié à ce titre des ouvrages qui témoignent de son intérêt pour les populations déshéritées et pour les victimes parfois « sans voix et cachées » que sont les enfants et les familles des personnes emprisonnées. Il est aujourd’hui conférencier et a fait connaitre sa doctrine à travers le monde, contribuant largement à la diffuser aux États-Unis d’abord où elle est mise en œuvre dans certains états, au Brésil, au Japon, en Jamaïque, en Irlande du Nord, en Grande-Bretagne, en Ukraine et en Nouvelle-Zélande où elle constitue la base de la justice pour mineurs actuellement. Il a publié de nombreux ouvrages dont l’un en 2002 « The little book of restaurative justice » a été traduit en français et fera l’objet de la présente présentation. Son titre : « La justice restaurative, Pour sortir des impasses de la logique punitive », éditions Labor et Fides, 2012. Ce livre est préfacé par Robert Cario, professeur de criminologie et promoteur de la justice restaurative en France.

La justice restaurative… Et en France ?

La justice restaurative… Et en France ?

Note rédigée par Alain Chalochet

Une idée du contexte international d’abord : depuis plusieurs années diverses institutions internationales soulignent l’intérêt de la justice restaurative ou réparatrice, et l’importance de la mettre en place, tout en laissant à chaque pays la liberté des modalités choisies. Il s’agit de l’ONU (résolution de l’Assemblée générale 4-12-2000), du Conseil de l’Europe, conférence des ministres européens de la justice 7-4-2005), du Parlement et du Conseil européen (directive du 25-10-2012).

Depuis la loi du 15 Août 2014 qui est venue modifier le code de Procédure Pénale [Articles 10-1, 10-2 et 707-4]  en ce sens, la justice restaurative est bien prévue dans la législation française. En voici le libellé précis dont tous les éléments sont importants :

« A l’occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine, la victime et l’auteur d’une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative. Constitue une mesure de justice restaurative toute mesure permettant à une victime ainsi qu’à l’auteur d’une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission. Cette mesure ne peut intervenir qu’après que la victime et l’auteur de l’infraction ont reçu une information complète à son sujet et ont consenti expressément à y participer. Elle est mise en œuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire. Elle est confidentielle, sauf accord contraire des parties et excepté les cas où un intérêt supérieur lié à la nécessité de prévenir ou de réprimer des infractions justifie que des informations relatives au déroulement de la mesure soient portées à la connaissance du procureur de la République. »

Une circulaire du 15 mars 2017 relative à la mise en œuvre de la justice restaurative est venue préciser et parfois renforcer le dispositif prévu et elle était déclarée applicable immédiatement.

Quelques points spécifiques

L’autonomie de la mesure de justice restaurative par rapport à la procédure pénale est affirmée. Ainsi, « quel que soit le déroulement de la mesure, son succès ou son échec restent sans incidence sur la réponse pénale. La procédure se poursuit en parallèle, même si, en pratique, la mesure peut indirectement faciliter l’exécution de la réparation ou influer positivement sur l’exécution de sa peine. »

« Cette autonomie implique une imperméabilité entre les deux dispositifs. La confidentialité de la mise en œuvre de la mesure est assurée par l’absence de pièce relative à la mesure de justice restaurative dans le dossier pénal, pour éviter tout risque d’influence sur la décision de poursuite, le prononcé de la peine, le montant des dommages-intérêts ou l’octroi d’aménagements de peine. Seule la mention de la proposition d’une telle mesure peut être versée au dossier, sans autre élément. »

« La loi garantit la confidentialité des échanges. Si l’autorité judiciaire est informée de la mise en place d’un dispositif de justice restaurative et peut avoir connaissance des personnes qui y participent, aucun écrit sur la teneur des échanges ne peut lui être transmis, sauf accord des deux parties ou si un intérêt supérieur le justifie. »

Les conditions préalables indispensables à la mise en œuvre de la mesure sont rappelées : ­

+ La reconnaissance des faits par les auteurs ­

+ L’information complète des victimes et des auteurs sur la mesure ­

+ Le consentement exprès des victimes et des auteurs

Un Comité national de la justice restaurative est mis en place chargé d’évaluer la pertinence des formations proposées et d’expertiser les formations et les expérimentations en cours.

Enfin des annexes présentent :

+ les exemples de mesure de justice restaurative qui peuvent être pratiquées : rencontres condamnés-victimes et rencontres détenus-victimes (rencontres de groupe de victimes et d’auteurs concernés par le même type de fait), cercle de soutien et de responsabilité et cercles d’accompagnement et de ressources (pour les auteurs d’infractions à caractère sexuel), la médiation restaurative ou auteur/victime (avec la victime et « son » auteur), la conférence restaurative ou de groupe familial (avec la participation de proches susceptibles d’apporter un soutien), le cercle restauratif (situations ne permettant pas d’engager l’action publique mais offrant un espace de parole).

+ La convention de partenariat pour la mise en place de ce type d’actions

+ Le formulaire de recueil du consentement des personnes

+ Les organismes reconnus pour dispenser les formations aux intervenants.

Le constat actuel

Le constat général qui peut être fait à ce jour est que la justice restaurative est très peu mise en pratique, ceci alors que d’autres pays développent activement des pratiques de ce type, Belgique en Europe, Brésil, Nouvelle-Zélande particulièrement dans la justice pour enfants.

Quelles sont les raisons de ce retard ?

+ Son introduction récente dans notre réglementation certainement ;

+ Sa faible insertion dans notre culture judiciaire ;

+ La faiblesse des moyens mis en place par le ministère de la Justice ;

+ Mais aussi la réalisation récente de formations et donc le très petit nombre de tiers aptes à mettre en œuvre le processus ;

+ Les réticences de certains partenaires professionnels ou les limites qu’ils donnent à cette offre spécifique ;

+ La méconnaissance quasi absolue dans le public de l’existence de la justice restaurative et des diverses possibilité qu’elle offre. C’est certainement là le point premier, sur lequel l’accent doit être mis en priorité.

En réalité, il ne s’agit à ce jour dans notre pays que d’expériences menées par des pionniers, dans quelques régions dont la région lyonnaise, mais à une faible échelle et dont il faudrait qu’elles soient connues de la société française.

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